La Confrérie du Dragon Eteint

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#13 27-10-2013 19:40:10

Orolhion Martelame
Maitre Ferronnier

Re : Une lettre noire

Séparations

    La mer s'était enfin calmée. Pendant deux jours, la tempête avait fait rage, secouant le boutre en tous sens, au grand désespoir de la famille Martelame qui croyait à chaque instant sa dernière heure arrivée. Un marin avait bien fini par dessus bord mais il avait pu être repêché avant de s'être trop éloigné du navire. A part cet incident, il ne s'était rien produit de marquant.

    Une jeune femme se tenait sur le pont à profiter de l'air iodé. Il y a encore peu, elle aurait craint de n'avoir que de l'eau pour horizon ne sachant pas encore nager, mais depuis que son mari lui avait appris, sa peur s'était évanouie. Oh bien sûr, elle avait eu beaucoup d'appréhension quand les vents s'étaient déchaînés, mais dès l'accalmie elle s'était précipitée sur le pont pour profiter de l'air du large.

    Des quatre Martelame, seule Mildwyn ne souffrait pas du voyage. Du moins elle n'était pas malade comme les autres. Ce qui la gênait plus, c'était de se retrouver avec son geôlier qui était aussi son beau-frère, sa belle-sœur qu'elle ne connaissait pas et son mari dont elle ne reconnaissait pas la violence ou peut-être ne la reconnaissait-elle que trop bien.

    Les marques des coups qu'elle avait reçus commençairnt à disparaître. Quand on l'avait transportée sur le bateau, elle était à peine consciente, ou du moins ne voulait-elle pas le rester, mais elle ne pouvait pas rester ainsi indéfiniment. La faim et la soif finirent par la forcer à sortir de son état. La première personne qu'elle appela fut celui pour qui elle avait fait tout ce chemin. Dès qu'il entendit sa voix, Orolhion se précipita vers son épouse et lui prit la main. Tous deux pensaient qu'en se retrouvant enfin, chacun sauterait dans les bras de l'autre. La réaction fut bien différente.

    Sur le visage de son époux se superposa celui du tueur cruel au regard enfiévré qu'elle avait aperçu près de Tharbad. Par réflexe, elle retira vivement sa main et se recroquevilla en lui tournant le dos. Passée la surprise, Orolhion lui demanda ce qu'il se passait mais devant l'absence de réponse, il en vint aux conclusions qui lui semblaient les plus évidentes. Conclusions chuchotées par sa rage. La violence de son frère envers elle l'avait traumatisée et il risquait encore de la perdre par sa faute. Avant de laisser sa colère s'exprimer, son estomac le rappela précipitamment contre le bastingage, laissant son épouse à nouveau seule.

    Toujours recroquevillée et tenaillée par la faim, elle ne vit pas venir la personne qui lui posa une main sur l'épaule. Elle sursauta au contact et dévisagea la femme qui se trouvait là. Carild.

      - « N'aie pas peur. Je ne te ferai pas de mal. »

    N'attendant aucune réponse de la part de Mildwyn, la jeune femme commença à détailler les blessures de la jeune femme.

      - « Quelle brute ! On va essayer de te trouver de quoi soigner ça. »

    Elle prit le menton de la Breearde dans sa main avec délicatesse et continua son examen, ponctué régulièrement par des 'kssssss' lorsqu'elle découvrait de nouvelles ecchymoses.  Elle relâcha sa patiente avant de reprendre la parole.

      - « Dis-moi, est-ce que tu as faim ? Moi, le roulis me coupe l'appétit. »

    Mildwyn inclina légèrement la tête.

***

    Un cri depuis la vigie. Le second déplia une lunette en cuivre et scruta l'horizon. La terre était enfin en vue. Bientôt ils entreraient dans le golf d'Umbar et retrouveraient leur camp principal. Le second cria quelques ordres dans une langue du sud inconnue d'Orolhion, mais il l'admettait lui-même, il n'avait jamais été doué pour apprendre les langues.

    Orolhion se décida à son tour à mettre le nez hors de la cabine. La nausée qui ne l'avait pas quitté depuis leur embarquement s'était amenuisée et restait supportable pour le moment. À peine sorti, ses yeux se portèrent sur son épouse. S'il avait d'abord accusé son frère de son rejet par sa belle, il avait bien dû finir par admettre qu'elle le fuyait lui. Pourquoi ? Il ne le comprenait pas et jamais il n'avait pu échanger de mots avec elle pour en sortir une explication.

    Orophant sortit à son tour et bouscula son frère qui se trouvait sur son passage vers le second. Ignorant le regard assassin qui lui lançait Orolhion, il demanda un rapport sur leur position puis donna de nouveaux ordres dans cette langue du sud. Sans même le regarder il fit alors signe à son frère de le suivre un peu à l'écart.

    Bonne dernière, Carild émergea de la cabine et inspira l'air frais à pleins poumons. Après deux jours passés en cabine avec ses frères tout aussi nauséeux qu'elle, l'air sain lui manquait. En parlant de ses frères, ceux-ci étaient déjà en train d'échanger de grands mots avec forces gestes. Malgré toutes les protestations que pourrait faire Orolhion, elle savait déjà que l'aîné aurait le dernier mot. Il lui suffisait d'évoquer un éventuel plongeon 'accidentel' de Mildwyn.

    Mildwyn observait les Martelame sortir l'un après l'autre au grand air. A son grand soulagement elle n'avait plus à fuir son époux, car celui-ci ne comprenant pas pourquoi elle l'évitait, n'osait plus s'approcher d'elle. Cela lui laissait un peu de temps pour peut-être trouver une solution.

    Alors que les deux frères étaient déjà en pleine dispute, dont elle servirait probablement d'argument final, elle vit que sa belle-sœur se rapprochait d'elle. Celle-ci s'était occupée d'elle dans les premiers jours du voyage, jusqu'à ce qu'elle soit en mesure de se débrouiller. Les deux femmes en avaient profité pour mieux se connaître. Elles savaient toutes deux que ce ne serait sans doute jamais une grande amitié entre elles, mais elles en vinrent à s'apprécier.

      - « On dirait qu'il se passe quelque chose. Tu comprends ce qu'ils disent ? » demanda Mildwyn
      - « Nous ne sommes plus très loin de notre destination. »

    Posant les mains sur le bastingage, Mildwyn fixa l'horizon à la recherche de la terre annoncée. Avec un léger sourire, Carild regarda la jeune femme chercher en vain dans la mauvaise direction.

      - « Cherche plutôt là-bas. Là où il y a des mouettes. »

    Rosissante, la Breearde se plia au conseil de sa belle-sœur. Elle ne tarda pas à découvrir un petit banc de sable au loin. Carild crut le moment bien choisi pour aborder un autre sujet qu'elles avaient toutes deux évité jusque là.

      - « Tu connais certainement mieux mon frère que moi. Est-ce que... est-ce qu'il a toujours été ainsi ? »

    Mildwyn soupira puis se retourna pour observer son mari, toujours en pleine discussion animée avec son frère.

      - « Ça ne lui ressemble pas non... Enfin il l'a été... Il... » Elle étouffa un léger sanglot « Je ne sais plus vraiment... »

    La jeune femme marqua une pause pour reprendre contenance. Carild n'osa pas dire un mot.

      - « Je... je l'ai vu après Tharbad... »

    Carild n'eut pas besoin de plus de mots pour comprendre le désarroi de sa belle-sœur. Elle aussi avait pris peur en voyant son frère ainsi.

***

    La lune s’élevait à l'horizon comme la luminosité déclinait. Les bras croisés, Orolhion attendait sur le pont que le bateau accoste. La cité corsaire et le camp n'étaient encore que des points lumineux à l'horizon mais Orophant avait donné l'ordre de faire halte pour que les deux frères puissent mettre pied à terre. L'aîné voulait montrer quelque chose au plus jeune, mais il ne s'était pas plus étendu sur le sujet.

      - « Je vois qu'on t'a trouvé mieux que tes haillons »

    Orolhion se retourna vers sa sœur. Leur frère ne s'était pas embarrassé de lui apporter des tenues de rechange et elle était restée depuis dans sa robe en lambeaux.

      - « Orophant m'a donné une de ses tenues de rechange. »  répondit le guerrier. « Je ne porterai plus rien d'ici que l'on arrive à Umbar si je continuais ainsi m'a-t-il dit. Je me demande dans quoi il m'amène encore »

    Changeant directement de sujet, il ajouta :

      - « Comment va-t-elle ? »
      - « Elle se remet... physiquement en tout cas. Pour le reste, il faudra du temps... si ça peut faire quelque chose »

    L'homme soupira.

      - « Est-ce qu'elle a dit... Est-ce qu'elle a dit pourquoi elle m'évitait ? »
      - « Elle a vu ce que tu es... Si nous n'étions pas de la même famille, je t'éviterais aussi. »

    Orolhion masqua ses yeux de la main, camouflant l'humidité qui y apparaissait. Un choc les avertit que le boutre venait d'accoster.

***

    Arrivés à terre, les deux frères s'étaient préparés pour une petite expédition avant de rejoindre le camp principal. Vêtu d'un tabard bleu ample, on devinait toutefois aisément en dessous la cotte de maille d'Orophant. Sa grande épée lui barrait le dos. Son frère n'était pas aussi bien équipé. Des jambières et une veste de cuir souple étaient ses seules protections. Aucune arme ne complétait sa tenue. Orophant y tenait.

      - « Tu n'en auras pas besoin de toute façon » fut la seule explication qui lui fut donnée.

    Tandis que l'aîné donnait ses derniers ordres à son second, Orolhion l'attendait en tenant par la bride les deux chevaux qui les accompagneraient. L'homme aurait bien voulu prendre Danseur, mais celui-ci refusait à nouveau de se laisser approcher par son maître. Quand on avait voulu le sortir de force, un marin avait écopé d'une bonne morsure. Il avait fallu l'intervention de Mildwyn pour l'apaiser. Orolhion ne chercha pas plus loin. Il préféra qu'il reste avec son épouse pour qu'il veille sur elle.

      - « Carild ! Viens là ! » cria l'aîné de la famille. « Et amène la femme avec toi ! »

    Le visage baissé pour éviter les regards de son mari et de son geôlier, Mildwyn s'approcha du bastingage en compagnie de sa belle-sœur.

      - « Tu sais ce que tu as à faire pendant notre absence. Si jamais il revient sans moi, tue-la. » ordonna Orophant.
      - « Et si je ne le veux pas ? Je ne suis pas ton esclave frangin. »

    Orophant se tourna vers son second.

      - « Si elle ne fait pas ce que j'ai dit... Tue-les toutes les deux. » Puis se retournant vers sa sœur « Si tu ne m'obéis pas, tu ne me sers à rien. »

    Mildwyn étouffa un cri, se couvrant la bouche avec les mains. Carild resta impassible. Elle connaissait suffisamment son frère pour ne plus avoir peur de ses menaces. Elle ne pouvait qu'obéir.

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#14 05-11-2013 20:46:00

Orolhion Martelame
Maitre Ferronnier

Re : Une lettre noire

Au fond du trou


    Un cri dans la nuit.

    Une couverture le couvrant encore à moitié, Orolhion s'était redressé brusquement, le front emperlé de sueur. Encore ce cauchemar.

    Cette fois l'histoire était allée plus loin. Il avait fini sa chute au croisement des routes. Ses père et frère continuaient toujours leur chemin vers cette lumière orangée, suivis par Carild qui jetait régulièrement un œil vers les autres chemins. Lui-même chercha du regard la rose qu'il avait entraperçue sur le chemin le plus incertain. Celle-ci brillait d'un bel éclat mais dès qu'il la repéra, elle se referma et s'enfonça dans les ronces, arrachant un cri de panique au guerrier.

    Orophant étouffa le feu d'un revers de botte. Il avait déjà attaché ses affaires sur sa monture, prêt à repartir.

      - « Lève-toi gamin, tu as bien assez dormi. Il est temps de partir. » lança-t-il à son frère.

    Le jour ne se lèverait que dans une heure ou deux mais le plus jeune était encore trop impliqué dans son rêve pour chercher à réclamer un peu de sommeil supplémentaire.

***

    Alors que le ciel virait à l'orange à l'Est, le boutre heurta la berge dans un long crissement. Des hommes sautèrent du navire et le traînèrent un peu plus dans les terres à l'aide de cordes. Un peu plus à l'est, Umbar dominait le golfe, de nombreux bateaux de toutes tailles encombrant son port. De nombreux petits camps avaient envahi les berges attenantes à la cité, chacun abritant une ou deux embarcations n'ayant pas trouvé non plus de place au port.

    Le navire solidement amarré, une passerelle permit aux autres passagers, autant marins que guerriers et esclaves, de mettre pied à terre. Carild émit un long soupir de soulagement quand ses pieds touchèrent le sol. S'en était enfin fini de ces nausées qu'elle avait dû endurer pendant toute la traversée. À côté d'elle, Mildwyn n'en était pas moins soulagée de quitter le bord, même si elle ne savait pas vraiment ce qui allait encore lui arriver.

      - « Enfin le camp ! Je vais pouvoir quitter ces horribles frusques » s'exclama la jeune Martelame. « Viens ! Je trouverai sûrement quelque chose pour toi dans mes coffres » ajouta-t-elle à l'intention de l'autre jeune femme.

    Après avoir traversé une bonne partie du camp et avoir fait comprendre au second qu'il pouvait arrêter sa surveillance à l'entrée de la tente, les deux femmes se retrouvèrent enfin seules à essayer de nouvelles tenues.  Enfilant une légère tunique vert émeraude que lui avait tendu sa belle-sœur, Mildwyn osa enfin la questionner sur l'expédition des deux hommes.

      - « Sais-tu au moins où ils sont allés ? Ils n'en ont pas dit un mot ni l'un ni l'autre. »
      - « Tout ce que je peux te dire c'est que ce n'est pas la première fois que mon frère y va. Ce qu'il y a trouvé par contre, il n'a jamais voulu m'en parler. » répondit la jeune femme.
      - « Tu n'en as pas la moindre idée ? »

    Carild enfila une tunique en cuir de coupe masculine qu'elle avait dû retravailler en silence, puis, devant l'air buté de la breearde, elle replongea dans son coffre pour sortir une robe bleue qu'elle lui tendit.

      - « J'ai peut-être une légère idée mais avant que je t'en dise plus enfile plutôt ça. Le vert ne te va pas du tout. »

    Mildwyn obtempéra sans quitter la jeune femme des yeux dans l'attente d'une réponse. Devant l'insistance du regard, Carild capitula et raconta ce qu'elle avait en tête.

      - « Ton mari a déjà dû t'en parler. Quand notre père est mort, nous avons tous les trois reçu un carnet en cuir. Les trois étaient incompréhensibles. J'ai d'abord cru que ce n'était que le charabia d'un homme devenu gâteux avant l'âge. Nous l'avons tous cru d'ailleurs. »

    Mildwyn acquiesça d'un signe de tête. Elle se souvenait qu'Orolhion était une fois revenu avec un étrange carnet impossible à lire.

      - « Tu te doutes bien que si je t'en parle, ces carnets n'étaient pas si illisibles. Comme je n'avais que ça à faire dans ce camp, j'ai passé beaucoup de temps à essayer de l'étudier et j'ai fini par découvrir une certaine logique dans les écrits et même à déchiffrer un mot ou deux. »

    Carild jeta un regard vers l'ouverture de la tente puis continua son récit à voix basse. Mildwyn se rapprocha d'elle pour ne rien rater de ces confidences.

      - « J'ai commis l'erreur d'en parler à Orophant. Quand j'eus fini de lui expliquer tout ça, il a pris mon carnet et je ne l'ai pas revu depuis sauf entre les mains de mon frère. Je pense qu'il en a déchiffré bien plus que moi et qu'il a pu découvrir quelque chose dans le désert grâce à ça. »

    Les yeux de Mildwyn s'agrandirent comme des soucoupes. Si Orophant avait découvert quelque chose à l'aide du carnet de Carild et du sien, que pouvait bien contenir celui de son époux ? Comme si rien ne s'était passé, Carild plongea une nouvelle fois dans sa garde robe pour en sortir une tenue d'un rouge écarlate.

      - « Le bleu non plus ce n'est pas pour toi. Essaye ça plutôt. »

***

    Les deux hommes s'étaient arrêtés dans un lieu qui ne présentait rien de particulier. Des pierres, de la poussière et quelques plantes grillées par le soleil, voilà tout ce que l'on pouvait voir tout autour d'eux. Orophant fouillait parmi les rochers tandis que son frère devait garder leurs chevaux. Comme à son habitude depuis quelques semaines, Orolhion ruminait de sombres pensées quand son frère s'exclama :

      - « Ah ! Le voilà enfin ! Viens ici attacher les chevaux. »

    L'aîné venait de retrouver un vieux piquet muni d'un anneau rouillé. Sans vraiment comprendre ce que cette attache faisait ici, son frère lui obéit, glissant une corde dans l'anneau. Pendant qu'Orolhion s'occupait des montures, Orophant posa son dos en appui contre un rocher et poussa avec ses jambes une autre pierre, révélant une cavité sombre qui semblait s'enfoncer loin sous le sol.

      - « Qu'est ce que... ? »

    Orolhion semblait stupéfait que son frère ait découvert cet endroit. D'habitude impassible, son frère souriait devant son attitude. Une espèce de joie semblait émaner de lui.

      - « Je vais t'expliquer tout ça. Mais garde tes yeux et tes oreilles ouverts. Tu vas en apprendre beaucoup aujourd'hui. »

    La curiosité l'avait emporté sur la colère qui habitait le ferronnier. Il allait littéralement boire les paroles de son frère.

      - « Tu te souviens des carnets de Père ? J'ai pu les déchiffrer. »

    Orophant savourait l'attitude de son frère. Il savait bien que toute cette histoire le captiverait et qu'une fois qu'il saurait tout, il se rallierait forcément à lui.

      - « Le carnet de Carild contenait la clef de tout. Il s'agit d'un vieux code marin qui doit certainement dater du Second Âge. »

    Comme un enfant devant un spectacle de marionnettes, Orolhion semblait prendre cette histoire à cœur. C'était bon signe se disait son frère.

      - « Dans mon propre carnet, j'ai découvert l'histoire d'une ancienne famille nomade. Ils étaient des gens simples jusqu'à ce qu'un... seigneur comme il est nommé... ne se joigne à eux et devienne leur chef. Cette famille devint riche et puissante. »
      - « Une histoire ? Un conte tu veux dire ? » l'interrompit Orolhion qui semblait ne pas comprendre où voulait en venir son frère.
      - « Pas un conte non. Ce carnet indiquait aussi où se trouvait la tombe des chefs de cette famille » Orophant pointa du doigt le trou béant.  « Nous y sommes. »

***

    Mildwyn se trouvait seule dans un grand pavillon. Carild lui avait dit que c'était celui qu'Orophant avait réservé pour leur frère quand il viendrait les rejoindre. On y trouvait une quantité de meubles de styles différents, sans doute le fruit de pillages. Malgré le luxe qui l'entourait, la jeune femme préférait rester assise en tailleur sur un tapis à jouer de la flûte. Son propre instrument avait été perdu, mais elle avait trouvé celui-ci sur un buffet dans le pavillon, un peu comme s'il l'attendait.

      - « Cette mélodie est bien triste » fit la voix de Carild quand elle franchit les tentures.

    La jeune femme lui avait promis de repasser voir comment ses blessures évoluaient après l'avoir laissée seule dans cette grande tente. Elle avait amené avec elle un pot d'onguent qu'elle posa  à côté de sa belle-sœur. Celle-ci continua à jouer, préférant se perdre dans la musique plutôt que de laisser son esprit vagabonder là où elle ne le souhaitait pas.

    Carild observa les ecchymoses de loin, puis elle se dirigea vers la sortie. Juste avant de passer les tentures, elle se retourna et dit :

      - « Dès que tu as fini de jouer, mets un peu d'onguent. Ça aidera à faire disparaître les bleus »

    Une minute ou deux après le départ de la jeune femme, Mildwyn cessa de jouer et posa la flûte sur ses genoux. Des petites gouttes d'eau s'écrasèrent sur l'instrument de bois. En silence, les questions se bousculaient dans sa tête et troublaient sa concentration.

    Qu'est ce qui l'attendait ?

     Elle savait que l'homme qu'elle aimait avait une part sombre mais elle pensait l'avoir chassée. Au final il lui semblait qu'il était devenu pire. Ou peut-être n'avait-il jamais cessé de l'être.

    Son frère était encore pire que lui et semblait prêt à tout pour arriver à ses fins. Et s'il arrivait à ce qu'Orolhion le rejoigne, ce qu'il semblait en passe de faire, elle aurait perdu définitivement son mari.
    Seule leur sœur ne semblait pas atteinte par leur folie, mais Mildwyn ne doutait pas qu'elle obéirait toujours à l'aîné.

    Au mieux, Orolhion se rebellerait à nouveau contre son frère et l'emporterait, mais dans ce cas, elle serait morte avant qu'il n'ait pu atteindre le camp. Et même s'il y arrivait, il n'aurait aucune chance de s'en sortir vivant à son tour. Dans l'utopie où ils parviendraient tout de même à s'enfuir, supporterait-elle ce que son époux était ? Et lui comment réagirait-il ?

    Toutes ces questions se bousculaient sous son crâne et l'épuisaient. Machinalement, elle appliqua l'onguent sur ses ecchymoses et se glissa sous une couverture. Elle accueillit le sommeil avec réconfort.

    Jusqu'à ce que les cauchemars n'arrivent...

***

    Brandissant une torche devant eux, Orophant menait la marche à travers le labyrinthe de grottes, de passages étroits et de gouffres vertigineux. Il semblait pressé comme un enfant qui va récupérer un jouet, si bien que son frère avait du mal à le suivre.

    À plusieurs reprises, Orolhion glissa sur des plaques de mousses humides ou des éboulis instables. À chaque fois, son frère le retint en lui agrippant le bras.

      - « Et bien alors ? Tu ne tiens plus sur tes jambes gamin ? »

    Il disait cela en souriant, comme s'il venait de sortir une bonne plaisanterie. Son frère ne l'avait jamais vu ainsi. Pas même lors de leur enfance. Dix ans d'écart avaient été un frein entre eux. Orolhion avait l'impression de voir là, une nouvelle personne. Un frère qu'il pourrait peut-être apprécier.

    Petit à petit, les passages étroits laissèrent la place à des voies plus larges, visiblement agrandies par la main de l'homme. La pierre brute fut brusquement remplacée par des panneaux de pierre taillée, couverts de bas reliefs si usés par le temps, qu'ils en devenaient indéchiffrables.

      - « Nous arrivons ! » Lança Orophant d'un ton joyeux. « Tu verras, les motifs sont mieux conservés plus loin. »

    Orolhion commença à être contaminé par l'enthousiasme de son aîné. Il ne savait pas ce que celui-ci voulait lui montrer, mais cette découverte en elle-même était déjà extraordinaire. Que pouvaient bien encore leur réserver les lieux.

    Ils débouchèrent enfin dans une immense cavité, au plafond couvert de stalactites, au centre de laquelle trônait un tumulus. La torche n'éclairait pas suffisamment pour percevoir le fond de la grotte, ni jusqu'où s'étendait le cairn.

      - « Ici repose le seigneur et ses descendants. Viens voir à l'intérieur ! Il faut que tu voies les bas reliefs ! »

    Entraîné par son frère, le ferronnier entra dans l'ancienne tombe. Ils se retrouvèrent dans un long couloir dont on ne voyait pas la sortie. Sur les parois, des scènes étaient peintes, décrivant pour la plupart de longues caravanes. Au bout d'une centaine de mètres, Orophant s'arrêta devant un des murs et éclaira la fresque de sa torche.

      - « Ce qui nous intéresse commence ici. »
   
    Malgré quelques dégradations dues au temps, Orolhion crut reconnaître une grande vague s'abattant sur la côte ainsi qu'un homme, vraisemblablement échoué sur la plage.

      - « Un naufragé ? » Interrogea-t-il.

    Sans dire un mot, Orophant déplaça sa torche pour dévoiler la suite de la fresque. On y voyait un homme, plus grand que les autres, au sein d'une caravane. Plus loin, un homme, sans doute le même, tenait un enfant à bout de bras au-dessus de lui.

      - « Tu penses que le naufragé s'est mêlé à cette caravane comme écrit dans ton carnet ? »
      - « Et qu'il devint leur chef. »

    Il accompagna ses mots en déplaçant la torche vers un nouveau motif. La caravane était stationnée en rond, au milieu l'homme et son enfant étaient entourés d'une multitude d'autres personnages se prosternant devant eux.

      - « Mais ce n'est pas tout. La suite est encore plus intéressante. Tu te souviens que je t'ai dis que la famille était devenue puissante ? Voilà comment. » ajouta Orophant.

    À nouveau, il déplaça la source de lumière vers un nouveau pan de mur. On y vit l'enfant grandir puis fabriquer sur une enclume une épée, qu'il brandit le motif suivant.

      - « Ils ont fait fortune en fabriquant des armes ? » demanda naïvement Orolhion.

    Les dessins suivants lui montrèrent à quel point il se trompait. Avec la même épée, au motif très reconnaissable, un homme en tuait un autre. Le ferronnier comprit aux détails des protagonistes, que l'enfant, sans doute un fils, avait tué son naufragé de père. La scène qui fit suite, montra ce fils brandissant son épée devant ceux qui devaient être son peuple, eux-mêmes brandissant des armes. Un dernier tableau montra l'homme et son armée combattre des soldats arborant une étoile à sept branches.

      - « Ils sont devenus des pillards... » commenta Orolhion à voix basse.
      - « Des pillards ? » s'insurgea son frère. « Ils ont combattu contre l'oppression du Gondor plutôt. »

    Un peu de l'enthousiasme de son frère quitta le ferronnier, mais il ne dit rien, cherchant encore à savoir pourquoi son frère l'avait amené ici.

      - « Viens ! J'ai encore d'autres choses à te montrer ! »

    Le ton de l'aîné s'était durci. Apparemment il n'avait pas apprécié la réaction de son frère. Se détournant pour poursuivre son chemin, la torche d'Orophant éclaira à peine la suite de la fresque, empêchant Orolhion d'apercevoir un homme et son armée prosternés devant un géant en armure sinistre.

***

    Une main légère se posa sur son épaule pour tenter de la réveiller. Mildwyn émit un grognement et rabattit la couverture par dessus sa tête. Elle était tout à fait éveillée mais refusait de sortir de cet état semi-ensommeillé, de peur de devoir affronter la réalité.

      - « Faire semblant de dormir ne changera rien. »

    De sous sa couverture, la voix lui parvenait atténuée, mais elle reconnut rapidement celle de Carild. Pourquoi s'enquiquinait-elle à voir si elle allait bien ? Après tout, elle n'était qu'une otage de son frère.

      - « Allez petite marmotte. Tu as dormi tout l'après-midi. Il est temps que tu te lèves pour manger un peu »

    Mildwyn grommela un non à peine audible, puis elle émit un cri de surprise quand sa belle-sœur arracha la couverture.

      - « Tu crois vraiment que mon frère voudrait voir sa femme comme ça ? »

    La breearde ne sut vraiment que répondre. Bien entendu que non il ne voudrait pas la voir comme cela mais ne s'était-il pas perdu ? Voudrait-il encore être auprès d'elle ? Et elle, comment réagirait-elle ?

    Tandis que la jeune femme se redressait lentement, elle sentit quelque chose qui la gênait contre son côté. En y portant la main elle découvrit des morceaux de bois brisés. Elle s'était endormie sur la flûte et avait dû la rompre. Elle éclata en sanglots. Carild la prit dans ses bras pour tenter de l'apaiser.

Hors ligne

#15 06-11-2013 19:54:51

Orolhion Martelame
Maitre Ferronnier

Re : Une lettre noire

Révélations

    Les deux hommes s'enfoncèrent un peu plus dans l'obscurité. La torche commençait à montrer des signes de faiblesses mais cela n'inquiétait pas Orophant qui en avait prévu deux de plus dans son paquetage. Les fresques qu'ils avaient découvertes plus avant étaient beaucoup plus dégradées que les premières. L'aîné jugea qu'il n'y en avait rien à tirer et continua d'avancer, forçant son frère à le suivre pour garder un peu de luminosité.

    Ils avaient croisé plusieurs bifurcations mais la plupart n'intéressèrent pas le guide. Quand Orolhion voulut s'enquérir de leur direction, son frère lui répondit qu'il s'agissait seulement des ailes pour les membres peu importants de la famille. Seule réponse qu'il savait obtenir de lui, le ferronnier n'insista pas et laissa de côté sa curiosité. Combien de temps avait bien pu passer son frère dans ce dédale pour savoir cela, fut la seule question qu'il se permit de garder en tête. Comme s'il avait lu dans ses pensées, Orophant répondit à la question muette de son frère.

      - « J'ai mis une semaine pour comprendre le premier labyrinthe, mais ici je suis resté près de deux mois pour tout explorer »

    Après quelques tournants, les frères Martelame arrivèrent dans une vaste salle ronde. Une légère brume traînait sur le sol mais n'empêchait pas de voir ce que contenait l'endroit. De nombreuses tombes parsemaient le lieu et l'on pouvait apercevoir des cavités dans les murs, sans doute pour y laisser d'autres corps reposer là.

    La torche fumait de plus en plus, mais cela semblait suffisant pour Orophant qui commença à faire le tour de la pièce, suivi d'un Orolhion qui promenait son regard en tout sens. Il détestait ces vieilles tombes pleines de cadavres. Généralement quand on se rendait compte que les esprits n'avaient pas trouvé là le repos éternel, il était trop tard.

    Ils tombèrent sur un brasero qui semblait avoir été préparé il y a peu pour être allumé rapidement. Orolhion devint encore plus méfiant et regretta amèrement que son frère ne lui laisse pas d'arme. Son frère plongea le flambeau dans le récipient métallique. Les charbons rougeoyèrent et répandirent des ombres inquiétantes autour des deux explorateurs. Le ferronnier cherchait du regard  le moindre objet qui pourrait lui servir à se défendre. Si quelqu'un avait préparé le brasier, il se trouvait peut-être encore dans les parages.

      - « Cesse de faire ton imbécile. Il n'y a personne d'autre que nous. J'avais prévu de t'emmener ici et c'est moi qui ai préparé ces feux » dit Orophant.

    Orolhion se sentit stupide. Encore une fois, son frère le rabaissait et à raison. Il se retrouva d'un coup avec un brandon entre les mains, tendu par son frère.

      - « Rends-toi utile plutôt. Il y a d'autres braseros à allumer. »

    La lumière révéla entièrement la salle. Comme attendu, les murs étaient percés d’alcôves où l'on apercevait quelques restes de squelettes perdus dans la poussière. Au centre, un tombeau imposant en pierre dominait toute la pièce du haut d'une estrade. Un peu plus en contrebas se trouvait une autre tombe bien plus ornementée. Tout autour de l'estrade centrale, des tombes plus petites et orientées vers le centre, remplissaient le reste de la salle. Tout au fond contre un mur, une grande plaque sur laquelle étaient gravés des symboles incompréhensibles complétait le tableau.

    Orolhion se dirigea en premier vers le tombeau ouvragé. De nombreux décors en cuivre et bronze le recouvraient presque intégralement. Il ne chercha pas à détailler tous les symboles qui la couvraient. Autre chose avait attiré son regard. Certaines pièces de métal semblaient évoquer un piédestal pour une grande arme, peut-être une grande épée comme celle des bas-reliefs. Il tourna instantanément le regard vers son frère et l'épée qu'il portait en bandoulière.

      - « Tu as osé prendre l'épée. » l'accusa-t-il.

    Orophant tira l'arme.

      - « Regarde mieux la tombe pour savoir de quel droit je l'ai prise »

    Sous la menace implicite de son frère, il entreprit d'observer la tombe. Il n'aurait même pas été surpris de voir une phrase gravée à la va-vite signifiant que cette épée était destinée à l'héritier des Martelame. Il n'aurait pas été à ça près.

    Il ne trouva cependant aucune fantaisie sur cette tombe. Le peu d'écriture lisible n'était de toute façon pas en westron. Il aurait eu du mal à déchiffrer toute autre langue. L'indice devait se trouver ailleurs. Tandis qu'Orolhion continuait son investigation, son frère arpentait les tombes.

    Ne trouvant rien susceptible de l'aider, il s'écarta de la tombe. Peut-être qu'il fallait chercher ailleurs. C'est alors qu'il comprit ce que son frère voulait qu'il trouve. Non seulement cela se trouvait en quantité dans l'ornement de la tombe, mais c'était présent partout dans la salle. Incrusté sur le mur, en relief sur les dalles du sol, sur chaque tombe présente. Le sceau au marteau. Exactement le même qu'il voyait ensanglanté dans son rêve. Le même qui apparaissait sur l'enveloppe noire que son frère lui avait fait parvenir par l'intermédiaire de Carild. Le même qui figurait sur les carnets qu'ils avaient hérités de leur père.

    Orolhion se sentit pris de vertiges. Tout cela impliquait trop de choses pour lui.

***

    Carild avait passé la soirée et une grande partie de la nuit à tenter de calmer les crises de larmes de sa belle-sœur. Elle l'avait fait parler afin qu'elle évacue toute cette histoire. La jeune femme n'avait pas été taillée pour l'aventure, ou du moins elle n'y avait jamais été entraînée. Sans doute Orolhion le savait et avait tout fait pour lui éviter de partir sans être préparée. Sauf que cette fois-ci, elle l'avait suivi en douce.

    Mildwyn n'avait pas manqué de courage cependant, ni d'efficacité. Ni son mari, ni elle ne l'avaient repérée sur toute la route jusqu'à Tharbad. S'ils l'avaient trouvée, peut-être que toute cette histoire ne se serait pas passée ainsi.

    Carild arpentait le camp depuis que sa belle-sœur était retombée dans le sommeil, épuisée d'avoir trop pleuré. La détresse de la jeune femme la bouleversait. Même si elle savait qu'elle ne devait pas trop s'attacher à elle - c'était une otage bon sang – elle ne put s'empêcher de retourner toute l'histoire dans sa tête pour essayer d'arranger les choses au point que le sommeil la fuyait.

    Elle finit par reprendre le chemin de sa propre tente. Bien plus modeste que celle de ses frères, elle n'en était pas moins spacieuse et, luxe suprême dans des conditions de camp, disposait d'une baignoire ouvragée à la place d'un vulgaire baquet. Peut-être qu'un bain l'aiderait à se détendre et à retrouver l'envie de dormir.

    Chauffer l'eau lui avait prit un temps fou pendant lequel elle n'avait eu de cesse de se répéter encore et encore l'histoire. Alors qu'elle se glissait dans l'eau brûlante, elle ne put s'empêcher de se dire à haute voix :

      - « Bon, je refais le point encore une fois et si je ne trouve rien je laisse tomber. Ou je la tue moi-même pour ne plus avoir à y penser. »

    Sa dernière phrase lui fit penser à Orophant. Si elle commençait comme ça, elle finirait par parler comme lui.

    Elle plongea la tête dans l'eau pour s'éclaircir les idées. Elle aimait la sensation d'isolement que lui procurait l'apnée. Cela l'aidait à réfléchir. Carild se repassa une fois de plus les événements. Elle avait amené la lettre à son frère. Celui-ci était parti en douce mais sa femme l'avait suivi de loin. Elle fut alors récupérée par son frère et ils se dirigèrent vers Tharbad. Il fut prit de fièvre sur le chemin et commença à délirer. Apparemment ils avaient dû se croiser mais elle s'était enfuie et l'état d'Orolhion empira. C'est à ce moment-là qu'il était devenu comme fou.

    Carild sortit brusquement la tête de l'eau. Même si elle avait été bien amochée à ce moment-là, elle se souvenait clairement l'entendre demander où était sa femme. Elle se morigéna de n'avoir pas compris avant. Il était devenu ainsi parce qu'il croyait qu'elle était en danger ou qu'il l'avait perdue, certainement pas parce qu'il aimait la violence !

    Elle chercha dans ses souvenirs ce que Mildwyn lui avait raconté sur l'événement. Elle les avait aperçus de loin se faire agresser puis elle avait vu Orolhion les abattre sans pitié avant de torturer le survivant. Jamais elle n'avait parlé de ce qu'il avait dit. Elle ne savait donc pas qu'il était devenu fou pour elle.

    Heureuse d'avoir peut-être trouvé une solution, la jeune femme se détendit pour profiter de son bain. Sa belle-sœur dormait certainement encore et les deux hommes n'étaient pas encore rentrés. Elle pourrait attendre le lendemain avant d'en parler à Mildwyn.

    Au matin, le soleil levant la surprit ronflante dans son bain.

***

    Orophant passait ses doigts à la surface de la plaque du fond, chassant la poussière qui s'était déposée dessus depuis longtemps. À mesure qu'il effleurait les inscriptions, il marmonnait quelques mots. Sans se détourner de la pierre, il héla son frère :

      - « On dirait que tu as compris... Viens ici, il y a encore autre chose à voir. »

    Appuyé contre une tombe, Orolhion se sentait nauséeux. Si cette histoire était exacte, cela confinait à la folie. Quand son frère l'appela, il soupira. Qu'allait-il encore trouver ici ? Il essaya de le rejoindre mais ses jambes étaient en coton et il dut s'arrêter fréquemment pour s'appuyer contre d'autres tombes. Partout où son regard se posait, les tombes de pierre ornées du symbole au marteau emplissaient son champ de vision. Partout sauf dans un coin qu'il se surprit n'avoir pas remarqué auparavant. Un monticule de pierre s'élevait entre deux tombes non loin de lui. L'endroit semblait bien plus récent que tout le reste, comme un intrus.

    Les jambes toujours flageolantes, il s'approcha de l'amas pierreux. En travers, il aperçut une plaque métallique, couverte d'inscriptions. Le métal ne présentait que très peu de traces de rouille. Définitivement, cela ne faisait pas longtemps qu'elle se trouvait ici. Orolhion retint son souffle quand il vit que les inscriptions étaient en westron. Ce qu'il put y lire, le frappa encore plus.

Ci-gît Orovahl Martelame
Né dans le lointain Pays de Bree
Il rejoint enfin les siens

    Malgré ses efforts, la nausée fut la plus forte et il eut juste le temps de se détourner avant de rejeter un flot de bile. Qu'est-ce que la dépouille de son père faisait là ? Il était mort loin d'ici pourtant. La voix de son frère résonna à côté de lui. Il ne l'avait pas entendu se rapprocher.

      - « C'est ce qu'il aurait voulu. »

    Entre deux hoquets, son frère lui posa une question qui résonnait plus comme une affirmation.

      - « C'est toi qui l'a ramené ici ? Ne pouvais-tu pas le laisser où il était ? »
      - « Vers la fin il parlait beaucoup de ses ancêtres. De nos ancêtres. Je crois bien qu'il voulait séjourner avec eux. »
      - « Vers la fin il était fou et tu le sais très bien ! Il s'est jeté dans le vide ! »

    Devant le masque d'impassibilité qu'affichait son frère, Orolhion renchérit :

      - « Il était fou et il a très bien pu s'imaginer faire partie de cette famille. Rien ne prouve que nous y soyons liés »

    Cette fois-ci, Orophant réagit mais pas comme son frère l'aurait voulu. Il afficha un grand sourire. Il attendait cette remarque.

      - « Des preuves il y en a. Regarde partout autour de toi ! Ce symbole ne t'est pas inconnu à toi non plus ! »
      - « Il a très bien pu le trouver et te le mettre dans le crâne. Ça n'explique rien ! »
      - « Ça ! Ça explique tout ! » D'un doigt impérieux, l'aîné pointait la pierre qu'il inspectait peu avant.

    Les deux hommes s'en rapprochèrent. Elle semblait moins ancienne que ce qui l'entourait, mais il était indéniable qu'elle était très ancienne. Sans doute avait-elle été un des derniers éléments ajoutés à la salle. À sa surface courraient des symboles qui ressemblaient fortement à ceux qu'ils avaient trouvés dans les carnets.

      - « Cette pierre raconte l'histoire de la famille depuis l'arrivée du Seigneur jusqu'à leur retour sur les routes. »

    Son frère aurait pu lui raconter n'importe quoi étant le seul à pouvoir lire les glyphes, mais le ton qu'il employait forçait Orolhion à le croire.

      - « Ils se sont alliés aux numénoréens d'Umbar quand le Gondor est venu les envahir, mais ils ont été battus. Les derniers mots de la pierre indiquent qu'ils allaient quitter ces terres et diriger leurs caravanes loin vers le nord de l'Arnor, mais qu'un jour ils reviendraient reprendre ce qui leur appartenait. »

    Le ferronnier pensait voir où voulait en venir son frère. De ce qu'il se souvenait, sa famille avait toujours erré entre l'Eriador et les limites nord de l'Harad et cela concordait avec l'histoire que lui contait son frère mais cela ne prouvait rien. Il refusait de le croire.

      - « Ça ne prouve rien ! Notre famille n'a pas été la seule à vivre sur les routes. Tu arranges l'histoire comme elle te convient ! »

    L'aîné se passa une main dans les cheveux. Il prit un air exaspéré comme devant un enfant qui refuse d'apprendre sa leçon.

      - « C'est toi qui refuse de voir la vérité ! Je vais te dire ce que contient ton carnet. C'est notre généalogie. J'en suis certain ! »
      - « Tu mens ! Tu ne l'as jamais lu et encore moins traduit ! Tu mens ! »

    Encore une fois, Orophant semblait avoir attendu cette réplique. Avec un sourire mauvais, il répondit :

      - « Mon carnet ne faisait pas qu'indiquer l'emplacement de cette crypte. Il signalait aussi l'appauvrissement du sang du seigneur qui coulait dans les veines de ses descendants. »

    Le ferronnier regarda son frère avec un regard perplexe.

      - « Il ne fait aucun doute que cet homme était un numénoréen à la vie longue. Ses descendants ne furent pas aussi gâtés et en quelques générations leurs vies durèrent à peine plus que celle du peuple. »

    L'aîné brandit une main devant son frère pour l'interrompre avant même qu'il ne pose la moindre question.

      - « Il fut décidé que les descendants auraient la charge de purifier ce sang en s'unissant uniquement avec des personnes appartenant à une lignée plus pure. Dans mon carnet, il y avait une allusion à une liste des unions et descendants. Je pense qu'il s'agit de ton propre carnet. »
      - « Tu mens ! » s'insurgea son frère.

    Orophant porta l'estocade finale.

      - « Crois-tu vraiment que notre père ait épousé notre mère par amour ? Ha ! Il l'a fait parce qu'elle était d'une ancienne lignée. »

    La colère submergea Orolhion. Bien qu'il se sentait encore fragile, il se jeta sur son frère. Il ne se laisserait pas bercer par les délires de son frère. Les deux hommes roulèrent dans la poussière, s'échangeant coup sur coup. Le combat fut bien vite interrompu quand l'aîné domina son frère en appuyant de tout son poids son avant-bras sur sa gorge. Au bord de l'asphyxie, le ferronnier tentait vainement de se débattre. Front contre front, Orophant lui intima l'ordre de se calmer.

      - « Arrête ! Tu sais bien que j'ai raison ! Ton cœur aussi te le dit mais tu refuses de voir la vérité ! Ton destin est aussi de prolonger la lignée et de m'aider à regagner nos terres. »

    Se pouvait-il qu'il ait raison ? Qu'un tel destin leur soit imposé ? Il ne savait plus quoi penser. Cela semblait si irréaliste et pourtant une part de lui y croyait. Si c'était le cas, il n'avait plus aucune raison de résister. Seulement suivre son destin.

    Le ferronnier cessa de se débattre. Orophant relâcha sa prise puis aida son frère à se relever.
   
    Il l'avait vaincu.

Hors ligne

#16 11-11-2013 11:33:24

Orolhion Martelame
Maitre Ferronnier

Re : Une lettre noire

Frapper un grand coup

    La jeune femme en robe écarlate méditait, assise en tailleur sur un tapis bleu couvert d'arabesques blanches, en plein milieu du pavillon. Carild, la demi-sœur de son époux, venait de sortir après une longue discussion au sujet de celui-ci. Se pouvait-il qu'elle ait raison ? Que sa rage vienne du fait qu'il croit l'avoir perdue ? Elle se dit qu'elle n'avait peut-être fait qu'empirer les choses à le fuir de la sorte. C'était décidé. Quand il reviendrait, elle devrait avoir une discussion avec lui. S'il revenait...

    Bien qu'elle fut la sœur du chef de cette troupe, Carild n'avait aucune tâche précise dans le camp. Elle pouvait toujours vagabonder à sa guise parmi les tentes mais elle n'avait jamais le droit de s'en éloigner sans l'autorisation expresse de son frère. Elle déambulait donc dans le camp sans but particulier, si ce n'est échapper à l'ennui. Ses pas la guidèrent vers le terrain d'entraînement, vaste champ de terre battue, balayé par le vent, où les guerriers s'entraînaient à toutes sortes de formes de combat. Ce qu'elle appréciait ici, c'était le paysage. D'ici on avait une vue imprenable sur les anciens remparts de la Cité Corsaire et sur l'océan. Et le torse musclé de certains combattants ne gâchait rien au décor, pour son grand plaisir.

    Comme un point inaccessible entre ses omoplates, Carild ressentait qu'un regard se posait sur elle. Elle attendit un peu pour voir si l'observateur se lasserait, mais la sensation devint insupportable. Elle se retourna vivement, lançant son regard à la recherche de l'espion quand elle tomba sur un haradrim musclé qui la guettait un peu plus loin, les bras chargés de bracelets de cuivre croisés sur sa tunique rouge. Le second d'Orophant.

    Elle le fusilla du regard. Ce n'était pas un bon moment pour venir l'importuner. Semblant comprendre le message, il laissa tomber sa surveillance et repartit au milieu des tentes. Mettrait-il vraiment l'ordre de son maître à exécution ? Carild ne savait pas trop quoi en penser. Il était loyal envers l'aîné des Martelame mais qu'en serait-il s'il était réellement mort ?

    La réponse viendrait peut-être plus tôt que prévu. Le cor d'une sentinelle résonnait vers le nord du camp signalant une présence en approche. Carild repartit en direction du pavillon où elle avait laissé sa belle-sœur.

    Deux longs appels de cors. Mildwyn sortit de ses réflexions. Elle ne comprit pas immédiatement ce qu'il se passait. Tout autour de sa tente résonnaient les pas de soldats courant vers l'entrée nord du camp. Une attaque ? Le cor émit de nouveaux ses deux longs appels. Un pan de la tente se rabattit d'un coup, arrachant un petit cri de surprise à la jeune femme, suivi d'un soupir de soulagement quand elle reconnut Carild.

      - « Que se passe-t-il ? Une attaque ? » l'interrogea la jeune breearde.
      - « Et qui oserait donc nous attaquer si proche d'Umbar ? » répondit-elle après avoir lâché un petit rire légèrement moqueur. « Enfin il aurait peut-être mieux valu. Au moins un de mes frères est de retour. »
      - « Alors pourquoi ai-je entendu tant de soldats ? »

    Carild soupira et répondit en posant un regard plein de reproches vers l'entrée de la tente.

      - « Certains ici sont de vrais larbins, prêts à tout pour bien se faire voir. Je suis prête à parier qu'ils lui font une haie d'honneur... »

    D'un regard plus doux, elle se retourna vers Mildwyn.
      - « Allez viens. Il me semble que tu dois t'expliquer avec ton époux. »

    Quand les deux jeunes femmes sortirent, le camp était très calme. Certains continuaient leurs tâches comme si de rien n'était mais la plupart s'étaient regroupés à l'entrée pour accueillir leur chef, au détriment du bon fonctionnement du camp. Carild reprocha mentalement à son frère de s'être entouré d'autant d'arrivistes.

    Un murmure se répandit parmi les présents. Dans un des dialectes du sud, Mildwyn n'arrivait pas à le comprendre mais sa belle-sœur s'empressa de le lui traduire. Deux hommes à cheval approchaient. Il ne faisait maintenant presque plus aucun doute qu'ils rentraient ensemble. La sentence de mort qui planait sur la breearde semblait s'envoler, mais la jeune femme n'y pensait pas. Elle craignait plus le face-à-face qui l'attendait avec son mari.

    Après de longues minutes d'attente, les deux hommes franchirent les portes du camp. Tous les hommes présents s'écartaient devant eux, baissant la tête en signe de soumission envers leur chef revenu. Celui-ci aboya soudainement l'ordre à tous de se remettre au travail, les égaillant comme une volée de moineaux, ne laissant plus que les deux femmes pour les accueillir.

    Mildwyn observait son mari s'approcher. Son regard ne reflétait plus la moindre colère, pourtant quelque chose la dérangeait. Il y avait un je-ne-sais-quoi de changé en lui. Ses épaules étaient un peu affaissées, comme si la fatigue le submergeait. Était-il blessé ? Une flamme d'angoisse sembla consumer son cœur et, oubliant toute sa crainte des jours précédents, elle se précipita vers lui. Il ne tourna même pas la tête pour la suivre du regard. Quand elle arriva à sa hauteur, elle comprit ce que ces yeux exprimaient : la résignation.

    Les chevaux continuèrent leur chemin, emmenant leurs cavaliers qui ignorèrent les deux jeunes femmes.

***

    Orolhion frappait le métal comme un damné. Depuis son arrivée il y a trois jours, il enchaînait les réparations et les améliorations des armures du camp. Son frère lui avait alloué trois aides pour ce travail, mais ceux-ci passaient plus de temps à observer la technique du ferronnier qu'à essayer de l'imiter. Il s'en moquait. Quand il travaillait ainsi, rien d'autre n'importait.

    Assise sur une pierre en vue de la forge, Mildwyn ne lâchait pas son époux du regard. Ils n'avaient pas échangé un seul mot depuis. Ils auraient dû au moins se retrouver dans le pavillon destiné à Orolhion, mais devant son mutisme, la jeune breearde s'était réfugiée chez sa belle-sœur. Pourtant elle n'arrivait pas à s'éloigner de lui en journée, passant tout son temps sur cette pierre.

    D'un coup les apprentis du ferronnier se précipitèrent vers leurs propres enclumes. Orophant se dirigeait par ici et il était évident qu'il ne serait pas bien vu, voire même dangereux, qu'il voie l'un d'eux ne rien faire. Orolhion ne remarqua la présence de son frère que quand celui-ci lui posa une main sur l'épaule. Mildwyn le vit poser son marteau et laisser là son travail avant d'emboîter le pas à son frère. Elle céda à la curiosité et les suivit jusqu'au champ d'entraînement.

    De nombreux hommes étaient déjà sur place et d'autres continuaient d'arriver. Elle aperçut aussi Carild en pleine discussion avec l'homme qu'elle se rappelait être le second du camp. Ils semblaient se disputer. Les deux frères se placèrent au centre de la place. Orophant semblait impatient que tous soient présents. Orolhion quant à lui était impassible, comme s'il attendait le bon vouloir de son frère. Quand il jugea que suffisamment de monde fut présent, l'aîné prit la parole :

      - « Hommes du Sud ! La bataille décisive approche ! Bientôt nous ne nous contenterons plus de picorer les côtes de notre ennemi ! Bientôt nous frapperons fort et nous reprendrons ce qui nous appartient ! »

    De nombreuses clameurs fusèrent.

      - « Parce que notre ennemi reste fort, nous avons besoin de toutes les forces que nous pouvons prendre. C'est pourquoi je vous amène mon propre frère. Il sera mon nouveau second ! »

    L'homme qui avait occupé ce poste précédemment fronça imperceptiblement les sourcils.

      - « Il a longtemps vécu au nord mais pour vous prouver qu'il est prêt à tout pour retrouver ses racines, il va abattre une femme du nord. Celle qui prétend être son épouse ! »

    De nouvelles clameurs se firent entendre de toute part. Mildwyn n'en crut d'abord rien, puis la peur au ventre, tenta de s'enfuir. Avant qu'elle n'ait fait trois pas, deux hommes la saisirent par les bras et l'amenèrent au centre du champ, face à ses bourreaux.

    Carild se jeta sur les deux hommes qui maintenaient la jeune femme pour les marteler de ses poings, leur intimant l'ordre de la relâcher. D'un signe de tête d'Orophant, l'ancien second vint ceinturer la jeune femme et l'éloigner de la victime désignée. Orophant tira l'épée qu'il portait en bandoulière, l'épée ancienne de leur prétendu ancêtre, et la tendit à Orolhion, garde en avant. Le ferronnier se saisit de l'arme à deux mains, son regard se promenant le long de la lame encore en très bon état malgré son âge plus que vénérable.

    La scène lui semblait irréaliste. Mildwyn regardait l'homme qu'elle avait épousé se rapprocher, l'arme en main, posant sur elle un regard froid comme s'il ne la connaissait pas. Qu'est-ce que son frère avait bien pu lui faire pour qu'il soit dans cet état ? Elle tenta de le raisonner en l'appelant par son nom, en lui rappelant le sien.

      - « Orolhion ! OROLHION ! Arrête ! C'est moi, Mildwyn ! Ta Mildwyn ! »

    Derrière le guerrier, son frère l'encourageait à agir.

      - « Vas-y. Fais honneur à ta famille. Débarrasse-toi de cette entrave. »

    Des larmes coulèrent sur les joues de la jeune femme. Et si tout cela était sa faute ? Si elle ne l'avait pas fui quand ils s'étaient retrouvés, peut-être qu'il serait redevenu lui-même, qu'il aurait su dominer sa rage. Maintenant il n'était plus que l'ombre de son frère. D'un coup d'épaule, elle se libéra de la prise des deux hommes, mais au lieu de fuir, elle vint au devant de son époux. Si elle l'avait définitivement perdu, alors elle n'avait aucune raison de se soustraire à cette épreuve.

      - « Oh mon époux... Si par ma faute je t'ai perdu, alors autant que ce soit toi qui m'emporte... »

    Fermant les yeux pour ne plus voir ce regard vide d'émotion, elle se mit à genoux face à lui, attendant l'inévitable. Au loin elle entendait Carild hurler de rage, la foule encourager son époux et son ignoble beau-frère dire à celui-ci :

      - « Allez ! Vas-y ! Quand nous aurons fini notre conquête tu trouveras d'autres catins de meilleure lignée que celle-ci. »

    Mildwyn ne put éviter d'émettre un dernier sanglot. Sentant le moment arriver, elle murmura un dernier 'Je t'aime' à son mari.

    Orolhion brandit haut la lame et frappa de toutes ses forces.

***

(NDLA : vous y avez cru non? Allez c'est parti pour la fin de cette histoire)

***

    Dans un cri de douleur, Orophant s'abattit au sol, le bras profondément entaillé par le coup que venait de lui porter son frère. Le silence était devenu total tant l'attaque surprise fut un choc. Seuls résonnaient les bruits de pas d'Orolhion qui avançait inexorablement vers son frère, l'épée pointée vers lui.

    L'aîné regardait incrédule son frère le menacer ouvertement. Il croyait avoir complètement tourné son frère à sa cause et pourtant cette petite péronnelle avait réussi à le retourner à nouveau. Il se savait en mauvaise posture mais s'il pouvait tourner la colère de son frère à son avantage, il pourrait s'en sortir comme à chaque fois. Il chercha l'étincelle de rage dans le regard d'Orolhion. En vain. Celui-ci était calme et déterminé. Pour la première fois, il eut peur de son frère.

      - « Vite ! Tuez la femme ! » hurla-t-il à ses hommes.

    Seuls trois bougèrent, les autres étant peut-être trop choqués pour réagir. Avant qu'ils n'aient pu atteindre la jeune femme, le guerrier fut sur eux, tranchant sans remords les agresseurs. Desserrant son étreinte, le second relâcha Carild qui se précipita au secours de Mildwyn. La jeune femme n'avait toujours pas ouvert les yeux. S'enfermant dans ses pensées pour ne pas ressentir le coup venir, elle n'avait pas conscience de ce qui s'était passé.

      - « TUEZ LES TOUS ! » hurla Orophant dont la voix prenait des teintes hystériques.

    Deux nouveaux hommes s'avancèrent et connurent le même destin que les précédents, puis se fut la cohue. Des cris de colère émergèrent de la foule et une dizaine d'hommes s'avancèrent de toute part. Orolhion sentait bien que ce serait bien plus dur cette fois et qu'il avait peu de chance de tous les abattre en protégeant les femmes. Toutefois, il se mit en position d'attente, prêt à les accueillir. Soudain un des hommes gémit de douleurs avant de s'étaler face contre terre, laissant apparaître l'ancien second qui tenait une dague ensanglantée. Il cria quelques ordres dans cette langue du Sud et presque immédiatement deux camps se formèrent, séparant les partisans d'Orophant aux hommes de l'haradrim.

    Seulement quelques échauffourées éclatèrent, le reste des belligérants préférant se tenir en respect mutuel. Parmi les neufs hommes restant au centre, deux attaquèrent et furent tués, les autres trouvant que déposer leurs armes était sans doute une meilleure idée. Orophant fulminait de colère. Son second l'avait trahi et ses hommes étaient des lâches. Il tenta tant bien que mal de se relever, mais l'hémorragie l'avait affaibli. Il trouva néanmoins la force d'insulter les présents.

      - « Bande de pleutre ! Battez-vous ! Et toi ! Comment oses-tu me trahir de la sorte ! »

    Le second baragouina quelques mots dans sa langue qui firent sourire Carild. Celle-ci vint poser un baiser sur la joue de l'homme puis entreprit de traduire pour ses compagnons.

      - « Il dit qu'il ne supporte plus d'obéir à un homme qui ne respecte rien et va même jusqu'à tuer des femmes innocentes. Il dit aussi qu'il préfère s'en aller et que ceux qui veulent se joindre à lui sont les bienvenus. Ceux qui se mettront en travers de sa route périront. »

    Comme s'il avait compris la traduction de la jeune femme, le second opina du chef. Orolhion se rapprocha à nouveau de son frère l'air menaçant mais une main douce sur son poignet l'arrêta net. Plongeant son regard dans celui de son époux, Mildwyn lui dit :

      - « N'agis pas comme lui. Tu n'es pas comme ça. »

    Orolhion baissa son arme puis fixa son frère.

      - « Tu es encore plus fou que notre père. Je ne te crois pas et ne te croirai plus. Je n'ai que faire d'une famille qui ne m'est rien. Ma famille la voilà. » D'un geste de la main, il désigna son épouse et sa sœur. « Je n'ai plus rien à voir avec toi. »

    Un bras sur l'épaule de sa femme, Orolhion se rapprocha de sa sœur.

      - « Il est temps pour nous de rentrer. Si tu veux te joindre à nous, je pourrai te trouver une maison et t'aider à t'installer. »
   
    Carild émit un léger sourire.

      - « Tu sais bien que nous avons la route dans le sang. Je ne sais pas comment tu fais pour rester toujours au même endroit. Mais bon... si on arrive jusqu'à chez vous en vie, j'y passerai peut-être quelques jours. »

    Le second se rapprocha du petit groupe. Dans un westron à couper au couteau, il les prévint de son intention de reprendre la mer en direction du nord. S'ils le souhaitaient, il pourrait les déposer jusqu'à l'embouchure de la Gwathlo. Coupant court à la conversation, Orophant continua de hurler des imprécations.

      - « Traîtres ! Vous ne pouvez pas partir ! Vous me devez obéissance ! Orolhion ! Tu dois suivre le destin des Martelame ! Tu dois rester pour ... »

    L'aîné Martelame se tut quand la botte du second rencontra sa mâchoire, l'assommant pour de bon. Ses hommes tenant les derniers soldats d'Orophant en respect, le second fit signe au petit groupe de monter à bord du boutre.

        Ils allaient enfin rentrer chez eux.

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#17 11-11-2013 13:01:10

Catrus
Petit Échevin conteur

Re : Une lettre noire

[HRP]
Ce message pourra être supprimé, mais je voulais juste dire : AAAAAAAH ENFIN !!! Orophant à eu ce qu'il méritait depuis le début et notre couple amoureux rentre au bercail !!!

Merci et bravo pour cette grande aventure smile
[/HRP]


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Pleurer la fin de l'herbe ne remplira pas la pipe ...

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#18 11-11-2013 21:15:48

Orolhion Martelame
Maitre Ferronnier

Re : Une lettre noire

[hrp]
Merci Catrus.
J'avoue, ça m'a aussi fait du bien de taper sur ce vilain.

Mais n'allons pas croire que ce soit déjà fini. Il restera encore une ultime partie à découvrir...bientôt...

edit : D'ailleurs la voilà déjà^^
[/hrp]

Dernière modification par Orolhion Martelame (11-11-2013 22:56:26)

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#19 11-11-2013 22:59:21

Frewger
Même les Morts n'en veulent pas

Re : Une lettre noire

[HRP]
C'est toi qu'on remercie pour ce voyage dans le sud ! J'espère qu'on vous verra bientôt dans le nord de retour !

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#20 11-11-2013 23:00:56

Orolhion Martelame
Maitre Ferronnier

Re : Une lettre noire

Un retour presque sans embûches
(Parce que rien ne finit vraiment)


    Six jours de mer, six jours en enfer. C'était à peu près ce que se disaient Orolhion et sa sœur à cette heure. Penchés par dessus le bastingage, les deux Martelame nourrissaient les poissons avec leur façon bien particulière mais avec une régularité surprenante. Toujours aux mêmes heures, ces deux-là se retrouvaient bien malgré eux la tête par dessus bord.

    Dans ces moments, on pouvait toujours remarquer deux silhouettes qui les surveillaient de loin. Des yeux bleus couvaient le ferronnier, trahissant la légère inquiétude qu'éprouvait son épouse devant son état. À ses côtés, des yeux noirs fixaient intensément Carild, l'ancien second restant toujours prêt à agir au cas où une vague plus traîtresse que les autres ne veuille s'emparer d'elle.

    Les deux Martelame ne se connaissaient pas depuis si longtemps que cela mais toute cette aventure avait tissé entre eux des liens particuliers. Ils gardaient toujours une petite réserve l'un envers l'autre, mais une certaine complicité était apparue. Complicité amplifiée par leurs récents rendez-vous pour rendre tripes et boyaux. Au soir de la première journée de traversée, ils avaient fini en éclats de rire en se rendant compte qu'ils se retrouvaient là toujours en même temps.

    Entre deux vagues de nausées, ils avaient pris l'habitude d'échanger quelques mots pour mieux se connaître, évoquant chacun leur passé, lui sur les routes puis l'installation de sa mère vers Bree, elle, éduquée par leur frère le long de routes discrètes entre le sud du Gondor et l'Harad.

    Ce soir, un sujet revenait en boucle dans les pensées d'Orolhion. Il se surprit lui-même à y penser, comme s'il se reprochait de vouloir prendre l'attitude d'un grand frère trop protecteur.

      - « J'ai bien remarqué qu'il te tourne autour. Ça fait longtemps entre toi et ce type ? »

    Carild rosit légèrement. Elle avait bien compris de qui il parlait.

      - « Suffisamment longtemps pour savoir qu'il ne serait pas allé jusqu'à nous tuer toutes les deux si tu étais rentré seul. » répondit-elle avec un léger sourire.

    Orolhion eut un nouveau hoquet désagréable avant d'essayer de soutirer plus d'informations à sa sœur.

      - « Et... c'est sérieux ? Enfin... je veux dire que c'est un marin et que nous et la mer... »

    Sa phrase se termina dans l'eau. Après avoir suivi l'exemple de son frère, Carild prit un petit délai de réflexion avant de lui avouer :

      - « Pas vraiment... Et je pense qu'il le sait aussi bien que moi... »

    La jeune femme ne semblait pas à son aise avec cette question, mais cela pouvait tout aussi bien venir d'un nouveau haut-le-cœur qui se préparait. D'un geste de la main, elle indiqua qu'elle ne voulait pas s'attarder là-dessus.

      - « Changeons de sujet. Les blessures de ta femme vont mieux ? J'ai l'impression qu'entre vous aussi ça va mieux. On ne peut pas dire que vous soyez discrets. »

    Son frère s'empourpra aussitôt.

      - « Je... hum... euh... ça... ça va mieux oui... hum... Et ses blessures aussi... euh hum... »

    Carild s'esclaffa devant l'embarras de son frère. Son rire fut toutefois de courte durée, au grand plaisir des poissons.

***

    Toute la journée les vagues s'étaient renforcées, encouragées par de violentes bourrasques. L'ancien second, qu'on appelait Cap'taine maintenant sauf par Carild qui le surnommait affectueusement Cap', avait passé tout le jour à aboyer des ordres pour éviter que le navire ne se brise. La nuit et les deux jours suivants furent pires encore.

    Cap'taine était épuisé. Il n'avait pas fermé l’œil depuis le début de la tempête et avait essayé de faire de son mieux pour que le bateau ne se perde pas, mais ballotté en tout sens et de noirs nuages interdisant de voir les étoiles, il ne savait plus vraiment où ils se trouvaient. Peut-être même avaient-ils fait demi-tour sans s'en rendre compte. Toutefois une chose lui déplaisait. À l'horizon il avait repéré des mouettes.

    Presque heureux de retrouver leur rendez-vous à l'air libre plutôt qu'enfermés dans leur cabine, Orolhion et Carild prirent place contre le bastingage. Cap'taine râlait dans sa langue du sud et quand le ferronnier demanda à sa sœur ce qu'il disait, elle préféra ne pas traduire, de peur de choquer ses oreilles.

    Chacun concentré sur ses tâches, déterminer leur position, surveiller les deux malades, nourrir les poissons, le cri de la vigie les fit sursauter. Carild se retourna vivement vers Cap' qui venait de sortir une longue vue. Une nouvelle volée de jurons d'Harad volèrent. Il avait aperçu un navire qui semblait se rapprocher. Une chose le rassurait, c'est qu'il n'arborait pas le blanc de la flotte de Dol Amroth. Malheureusement cela pouvait aussi signifier qu'ils avaient été poursuivis par les hommes de son ancien seigneur. Il n'eut pas le temps de donner des ordres quand la vigie cria à nouveau. Un autre navire était en vue. Un bateau blanc battant un pavillon bleu.

    Si Cap'taine était terrifié à l'idée d'être pris entre les feux croisés des pirates et de Dol Amroth, il tâchait de ne pas le montrer. Débitant des ordres à toute vitesse, il prépara le navire à fuir  aussi vite que possible. Il savait bien que se retrouver coincé entre les deux aurait été un désastre.

***

    Malgré les efforts des marins, leurs opposants se rapprochaient inexorablement. Surveillant sans cesse les navires grâce à sa longue-vue de cuivre, Cap'taine fit appeler Orolhion. Les traits tirés par ses haut-le-cœur successifs, celui-ci se présenta devant le haradrim qui lui tendit la longue-vue sans un mot. Jetant un œil par le tube, le ferronnier balaya du regard le pont du navire inconnu. Ce qu'il vit lui fit serrer les dents. Le bras blessé en écharpe, Orophant semblait donner des ordres aux marins avec rage. Son frère se rassura en voyant qu'il ne semblait pas en meilleur état que lui comme en attestaient les poches sous ses yeux et les nombreuses tâches que constellaient sa tunique. Instinctivement, il porta toutefois la main à l'épée qu'il avait gardée.

    Après quelques heures, l'abordage semblait imminent. Si le navire blanc de Dol Amroth était encore loin, il ne tarderait pas non plus à se joindre aux festivités. Craignant qu'une volée de flèches n'annonce le départ des hostilités, certains marins quittèrent leur poste pour prendre un bouclier ou simplement trouver un abri. Orolhion et Cap'taine s'étaient  assurés que les femmes soient en sécurité, toute relative, dans la cabine. Bien entendu, celles-ci voulurent aussi participer à la défense, mais leurs hommes réussirent à les convaincre qu'ils combattraient plus efficacement s'ils n'avaient pas à se faire de soucis pour elles.

    À la place de flèches, des grappins s'abattirent sur le pont du boutre, forçant les deux navires à rester côte à côte. Dès qu'ils furent assez proches, les premiers pirates bondirent à l'assaut, réceptionnés par une rangée de marins qui les attendaient de pied ferme. Partout résonnait le chant de l'acier contre l'acier. Orolhion se défendit avec beaucoup d'ardeur tout en cherchant du regard celui qui pourrait arrêter tout cela. S'il affrontait son frère et parvenait à le vaincre définitivement, peut-être que les pirates cesseraient leur attaque.

    La bataille faisait encore rage quand la luminosité commença à décliner. Le ferronnier avait parcouru le pont de long en large sans apercevoir son aîné. Un éclat de voix provenant de l'autre navire lui indiqua où il se trouvait depuis le début. Sur le pont adverse, celui-ci donnait de nouveaux ordres à ses hommes tout en pointant une épée courte en direction du large. Les yeux d'Orolhion suivirent la direction indiquée avant de s'écarquiller. Le navire blanc était à présent à portée d'arc et, contrairement aux pirates, n'hésiterait pas à faire pleuvoir une pluie de flèches.

      - « À COUVERT ! VITE ! » hurla-t-il tandis qu'une première salve s'élevait dans le ciel.

    Ne faisant aucune distinction, les deux navires furent arrosés en continu par les archers de Dol Amroth. Les tirs ne cessèrent qu'une fois que le bateau blanc eut éperonné le navire pirate, permettant à de nombreux soldats d'investir son pont.

    Oubliant leurs proies initiales, les pirates partirent à la charge des nouveaux assaillants, vidant le pont du boutre. Certains marins se portèrent à leur côté pour affronter les soldats. Quand on avait la piraterie dans le sang, il était difficile de se débarrasser de certaines habitudes. Ce ne fut heureusement pas le cas de nombreux marins qui cherchaient plutôt à éviter les quelques flèches qui tombaient encore.

    Orolhion jugea que la situation semblait très mal partie car, quel que soit le vainqueur de cet affrontement, les survivants s'occuperaient d'eux par la suite. Si seulement ils avaient un moyen de fuir. Orolhion se frappa la paume contre le front. Fuir ! La voilà la solution. Il se rapprocha du couvert où s'abritait Cap'taine pour lui exposer son plan.

    Après s'être assuré que l'haradrim eut compris, le ferronnier entama un court décompte. Les deux hommes se précipitèrent chacun de son côté. Cap'taine alla rejoindre un groupe de marins et leur enjoignit de prendre bâtons, rames, perches et tout ce qu'ils pouvaient utiliser pour repousser le navire pirate. Faisant attention de ne pas se prendre une flèche, Orolhion courut vers le bastingage pour trancher avec force moulinets les cordages qui rendaient les deux bateaux solidaires. Alors qu'il venait de sectionner la dernière corde, un choc le précipita en arrière. Sans se soucier du guerrier, Cap'taine donna l'ordre à ses hommes de charger avec leurs perches pour s'écarter du lieu de la bataille. Certains furent abattus pendant l'effort, mais la manœuvre se révéla être un succès quand le boutre put commencer à s'éloigner.

    Entendant les cris de joie des marins dès qu'ils furent hors de portée des archers, Mildwyn et Carild sortirent en trombe de la cabine, cherchant leurs hommes du regard. Si Carild se précipita dans les bras de Cap', Mildwyn tomba à genoux quand elle découvrit son époux inconscient, une flèche dépassant de son épaule gauche.

***

    Le voyage avait été plus long que prévu mais enfin l'embouchure de la Gwathlo était en vue. Depuis qu'ils avaient laissé les pirates aux prises avec les soldats de Dol Amroth, ils n'avaient plus rencontré d'autres difficultés. Les salves de flèches avaient bien endommagé les voiles mais pas suffisamment pour les bloquer sur place. Comme Cap'taine l'avait craint, la tempête leur avait bien fait faire demi-tour, mais ils avaient su fuir dans le bon sens, rattrapant petit à petit leur retard.

    Le bras en écharpe, Orolhion attendait sur le pont avec impatience que le bateau accoste. Être malade en mer était déjà pénible, surtout lors d'une si longue traversée, mais devoir rester allongé en cabine en même temps avait été pour lui une torture. Heureusement que son épouse avait veillé sur lui, rendant l'attente moins pénible. À ses côtés, Danseur, heureux de sortir enfin des cales, attendait avec autant d'impatience que son maître de toucher terre. Posant la tête sur l'épaule encore valide de son époux, Mildwyn se languissait déjà de retrouver ses jardins et leur calme.

***

    Alors qu'ils longeaient le fleuve en direction de Tharbad, Mildwyn se remémorait leur séparation avec Carild. Ils lui avaient bien proposé qu'elle se joigne à eux, mais la jeune femme avait refusé, prétextant qu'elle supportait de mieux en mieux la mer et que Cap' avait encore des choses à lui apprendre. La jeune breearde sourit en se rappelant à quel point l'haradrim avait semblé plus rouge que sa tunique quand elle avait ponctué sa phrase d'un baiser. Elle avait toutefois promis qu'un jour prochain elle passerait les voir chez eux.

    Quand Tharbad fut en vue, le couple redoubla de prudence. Tous deux redoutaient la cité et surtout ce qu'elle représentait dorénavant pour eux. Ils traversèrent la ville en enfouissant leurs visages sous de profondes capuches et pressèrent le pas. Peut-être certains amis des brigands voudraient se venger. Toujours est-il qu'ils traversèrent la ville sans encombres et suivirent les caravanes qui remontaient la Voie Verte jusqu'au Pays de Bree. Ces convois étant bien gardés, aucun bandit ne se risqua à approcher.

    Le Pays de Bree se rapprochait jour après jour. La blessure d'Orolhion guérissait bien et il était heureux de pouvoir rentrer 'chez lui'. La seule chose qui l'inquiétait légèrement fut Mildwyn qui, depuis quelques jours, était malade chaque matin. Quand il se montra trop inquiet, elle le rassura en lui rappelant que lui avait été malade pendant toute la traversée et que ce devait être la route. Tout allait bien. Tout allait très bien même, ajouta-t-elle un sourire malicieux aux lèvres.

***

    Voilà deux jours qu'ils étaient rentrés. Mildwyn se trouvait dans son jardin à cajoler ses roses qui lui avaient manquées. Orolhion quant à lui se trouvait devant la cheminée, faisant tourner un vieux carnet de cuir entre ses mains. Il ouvrit le carnet à une page au hasard. La feuille était couverte de symboles incompréhensibles pour lui, mais il savait qu'il pourrait, avec l'aide de Carild et de son carnet, essayer de les traduire. Mais en avait-il vraiment envie ? Avait-il envie de savoir si son frère avait raison ou si celui-ci avait tout inventé ? Il referma le carnet. Les flammes dans la cheminée étaient hautes et tentantes. Terriblement tentantes.


Fin

(Ou peut-être n'est-ce qu'un début?)

Dernière modification par Orolhion Martelame (11-11-2013 23:01:58)

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