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Maëlianel chevauchait le plus vite possible en direction de Bree. Cela faisait maintenant des heures quelle avait quitté son foyer familial de la Comté pour rejoindre la Taverne de lÉpouvantail Ivre. Elle ne sétait arrêtée que quelques minutes près du Pont du Brandevin afin que Hwesta, sa jument, et elle-même puissent se rafraîchir un peu avant de poursuivre leur route. Elle était pourtant consciente que les heures passaient et quil était peu probable quelle arrive avant la fermeture de la Taverne. Elle tenait à être présente. Elle savait quelle y retrouverait son époux, Endryamir. Et elle avait promis aux membres du Grand Orchestre quelle jouerait avec eux.
Le Bois de Chet se déployait enfin devant elle. Elle sarrêta quelques instants, juste le temps dobserver la voûte étoilée et dhumer la fragrance des parfums de la forêt en cette fin dété. Puis, après avoir murmuré quelques mots à Hwesta, elle repartit au galop en direction du quartier de Lamenuir.
Quest-ce qui sétait passé ? Pourquoi était-elle si en retard ?
Trois jours auparavant, Maëlianel était tranquillement installée au pied de sa maison, au bord de leau, avec les jumeaux. Míryen et Gwaërnon écoutaient leur mère leur raconter une histoire. Il sagissait comme très souvent de la même, à savoir celle du troll et de Tom que leur père aimait tant leur raconter. Elle faisait exprès parfois de ne pas terminer une phrase et les enfants samusaient à les terminer pour elle. Ou alors, elle en changeait un mot ou deux, par-ci par-là, et les jumeaux sappliquaient à la corriger en riant et en frappant des mains heureux davoir été aussi rapides.
Cest au moment où Tom assène un grand coup de pied au troll, que Míryen émit un petit cri aigu. Gwaërnon applaudit sa sur tout en la taquinant car son cri ne ressemblait pas du tout à celui quaurait pu émettre Tom, mais en la regardant il cria à son tour, affolé : « Ammî ! » *
Maëlianel détourna le regard de son fils pour apercevoir dabord deux grosses larmes perler sur les joues devenues très pâles de sa fille, une expression de douleur sur son visage, puis sa petite main posée sur sa jambe. Dun simple coup dil elle se rendit compte quun insecte avait piqué la jambe de lelfette. Dune voix douce, en embrassant avec tendresse son front après avoir séché ses larmes, elle fit allonger Míryen dans lherbe. Voyant que Gwaërnon était très inquiet pour sa sur, elle linvita à laider en gardant la jambe de Míryen légèrement soulevée, en la posant sur ses genoux. En observant de plus près le gonflement et la rougeur de la peau à lendroit de la piqûre, Maëlianel saperçut que le dard de labeille était toujours là. Heureusement il fut assez aisé pour lElfe de lenlever car linsecte navait pas eu le temps de lenfoncer dans sa totalité dans la chair tendre de sa fille.
Elle séloigna quelques instants des enfants en confiant Míryen à Gwaërnon, pour revenir avec un linge propre, un seau deau fraîche puisée dans le puits et un petit pot donguent. Dabord, en se servant du linge imbibé deau, elle rafraîchit la jambe endolorie de sa fille. Ensuite, elle prépara une sorte de cataplasme avec longuent afin de désinfecter et soigner la blessure. Enfin, elle prit Míryen dans ses bras pour lamener à la maison afin de lallonger sur son lit, Gwaërnon, très inquiet, trottinant à côté delles, tenant la petite main de sa sur serrée dans la sienne.
Malgré le retour rapide de Cinna, la nounou des jumeaux, Maëlianel navait pas voulu quitter sa fille des yeux en veillant sur elle deux jours durant. Et cest seulement après avoir été certaine que le poison de labeille navait pas provoqué dallergie, quelle se décida à partir en direction de Bree.
Pendant ces deux longues journées elle avait hésité à envoyer Fanya, son aigle, pour prévenir Endryamir, mais elle avait fini par décider de ne pas laffoler inutilement, étant consciente du fait, malgré tout, que cette blessure nétait pas si grave quelle aurait pu le penser au départ.
Lorsquelle arriva devant la Taverne, tout y était très silencieux et en regardant le ciel elle se rendit compte daprès ses couleurs que laube pointait déjà. Elle décida donc de se rendre à la Halle pour se reposer un peu avant de reprendre la route pour la Comté.
En arrivant dans le jardin de la Halle du Dragon Éteint elle fut étonnée du silence qu'il y régnait. Les couleurs de laube avaient pourtant coloré le ciel, mais les oiseaux se turent à son arrivée. Elle hésita quelques instants avant dentrer sentant que quelque chose nallait pas. Puis, dun pas décidé et léger, elle arriva jusquà la porte quelle ouvrit sans difficultés.
Elle se dirigea de suite vers le panneau daffichage et reconnut immédiatement lécriture fine et ronde de son beau-frère. Nul besoin de lire le feuillet. Elle avait compris. Lheure du Départ était proche.
Elle ferma légèrement les yeux. Lorsquelle les ouvrit à nouveau, elle savait quils étaient devenus dun gris dacier.
Elle sortit dans le jardin. Une brise dair frais caressa son visage et les oiseaux commencèrent à nouveau à chanter.
Elle caressa longuement Hwesta, puis elle grimpa rapidement sur son dos en lui soufflant à loreille :
- A lelya ! Endryamir attula ! **
Hwesta partit au galop. Les yeux de Maëlianel étaient devenus dun vert éclatant et le sourire illuminait à nouveau son visage.
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*Ammî = maman [Adûnaic]
** A lelya ! Endryamir attula ! = Va ! Endryamir va arriver (arrive) ! [Quenya]
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Pendant toute la durée du trajet, Maëlianel navait de cesse de penser à toutes les choses quelle avait envie de dire à Endryamir avant son Départ.
Cela faisait bientôt un an quil était revenu à la maison, mais Maëlianel sétait très rapidement rendue compte quautant il était heureux de vivre avec elle et les enfants et de partager chaque minute de son temps avec eux, autant il était très inquiet pour leur futur. Elle avait toujours su lire dans les yeux de celles et ceux qui lui en laissaient la possibilité et le regard de son époux jamais ne lui avait menti.
Lors des balades en forêt, lors des pique-niques au bord de leau, lors de la découverte de la nature avec les enfants en leur enseignant à grimper aux arbres, à reconnaître les plantes et les animaux, lors des visites à la ferme de la voisine avec les poules qui faisaient tant rire les jumeaux autant que la voisine dailleurs !- ses yeux pétillaient de bonheur et ils étaient dun vert émeraude. Son regard pourtant se voilait lorsquils restaient lun dans les bras de lautre à veiller sur le sommeil de leurs enfants.
Il se sentait de plus en plus impuissant face à lavancée de lOmbre. Les êtres auxquels il tenait le plus au monde étaient menacés chaque jour. Comment rester là, sans rien faire ? Cétait impossible. Cétait au-dessus de ses forces.
Pendant tous ces mois passés aux côtés de Maëlianel, jamais Endryamir navait annoncé son souhait de suivre à nouveau la Compagnie Grise pour se diriger vers le sud, là où lOmbre se faisait encore plus présente. Il se limitait à lui communiquer des informations sur leurs avancées, informations que parfois il souhaitait que Maëlianel communique à la Dame Blanche. Cependant, leurs curs ne faisant plus quun depuis leur premier regard échangé il y a quelques années déjà, nul besoin de mots entre eux. LElfe savait que ce moment tant repoussé était proche. Très proche.
Après une brève halte toujours près du Pont du Brandevin, la cavalière et sa monture, entourées dun halo blanc et lumineux formé par les lucioles qui avaient fait le parcours avec elles, repartirent au galop en direction de GrandCave.
Maëlianel arriva à Puidebois en fin de matinée du lendemain de son départ de Bree. Dès son arrivée à la maison, elle chercha la monture de son époux du regard. Inutilement. Elle comprit rapidement quil était déjà parti.
Perdue dans ses pensées, lElfe descendit agilement mais lentement du dos de Hwesta qui se dirigea rapidement vers le bord de leau après avoir accueilli dun hennissement les enfants qui arrivaient en courant vers leur mère en criant :
- Ammî ! Ataryo ! *
En entendant prononcer le mot « ataryo », Maëlianel chercha instinctivement Endryamir du regard. Elle espérait le voir surgir de la porte de la maison à tout instant.
Les enfants criaient joyeux leurs mains tendues afin que leur mère les prenne dans ses bras. LElfe sassit sur lherbe, comme elle faisait très souvent, pour serrer les jumeaux tout contre elle, puis elle les câlinait et les chatouillait avec douceur tout en vérifiant, sans trop le montrer, létat de la jambe de Míryen. Elle était impatiente de les écouter, mais son regard allait souvent vers la porte de la maison.
Cest Gwaërnon qui donna la réponse à la question quelle navait osé poser :
- Ataryo est parti, ammî.
Il avait affiché un air sérieux en prononçant ces paroles.
- Il a laissé ceci pour toi, ammî.
Cette fois-ci cétait Míryen qui sadressait à Maëlianel ; son visage également était devenu sérieux. Lelfette tendit un parchemin à sa mère. Avant de le prendre, le visage de Maëlianel séclaira dun sourire pour rassurer ses enfants, ses lèvres se posant tour à tour sur les joues de lun puis de lautre pour les embrasser. Ensuite, elle déroula le parchemin et le lit en silence, la couleur de ses yeux passant du vert au gris et inversement au fur et à mesure que sa lecture avançait.
Lorsquelle releva enfin son regard vers ses enfants, ses yeux étaient à nouveau verts, et, dune voix et calme, elle lit la lettre à ses enfants.
- Votre père vous aime plus que tout Vous êtes présents dans chacune de ses pensées Il est obligé de partir pour vous protéger pour nous protéger mais il est toujours avec nous Fermez les yeux et posez votre main sur ce pendentif que vous portez à votre cou et qui touche votre cur
Les jumeaux fermèrent les yeux en posant leur petite main sur leur pendentif. Maëlianel, souriante et émue, en fit de même avec le sien.
- À chaque fois que vous penserez à ataryo, fermez les yeux et serrez votre pendentif dans votre main, tout contre votre cur et vous le sentirez encore plus près de vous Ce pendentif en forme de goutte renferme de leau : leau du Nenuial et de la Nimrodel Un jour nous irons tous les quatre ensemble parcourir les terres de vos ancêtres de nos ancêtres
Maëlianel ouvrit les yeux et regarda avec tendresse ses enfants avant de murmurer dune voix douce et émue :
- Je vous aime Nous vous aimons
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*Ataryo = papa [Quenya]
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