La Confrérie du Dragon Eteint

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#1 06-09-2012 21:33:13

Maëlianel
Echevin

Na Estel...

Maëlianel chevauchait le plus vite possible en direction de Bree. Cela faisait maintenant des heures qu’elle avait quitté son foyer familial de la Comté pour rejoindre la Taverne de l’Épouvantail Ivre. Elle ne s’était arrêtée que quelques minutes près du Pont du Brandevin afin que Hwesta, sa jument, et elle-même puissent se rafraîchir un peu avant de poursuivre leur route. Elle était pourtant consciente que les heures passaient et qu’il était peu probable qu’elle arrive avant la fermeture de la Taverne. Elle tenait à être présente. Elle savait qu’elle y retrouverait son époux, Endryamir. Et elle avait promis aux membres du Grand Orchestre qu’elle jouerait avec eux.

Le Bois de Chet se déployait enfin devant elle. Elle s’arrêta quelques instants, juste le temps d’observer la voûte étoilée et d’humer la fragrance des parfums de la forêt en cette fin d’été. Puis, après avoir murmuré quelques mots à Hwesta, elle repartit au galop en direction du quartier de Lamenuir.

Qu’est-ce qui s’était passé ? Pourquoi était-elle si en retard ?

Trois jours auparavant, Maëlianel était tranquillement installée au pied de sa maison, au bord de l’eau, avec les jumeaux. Míryen et Gwaërnon écoutaient leur mère leur raconter une histoire. Il s’agissait comme très souvent de la même, à savoir celle du troll et de Tom que leur père aimait tant leur raconter. Elle faisait exprès parfois de ne pas terminer une phrase et les enfants s’amusaient à les terminer pour elle. Ou alors, elle en changeait un mot ou deux, par-ci par-là, et les jumeaux s’appliquaient à la corriger en riant et en frappant des mains heureux d’avoir été aussi rapides.

C’est au moment où Tom assène un grand coup de pied au troll, que Míryen émit un petit cri aigu. Gwaërnon applaudit sa sœur tout en la taquinant car son cri ne ressemblait pas du tout à celui qu’aurait pu émettre Tom, mais en la regardant il cria à son tour, affolé : « Ammî ! » *

Maëlianel détourna le regard de son fils pour apercevoir d’abord deux grosses larmes perler sur les joues devenues très pâles de sa fille, une expression de douleur sur son visage, puis sa petite main posée sur sa jambe. D’un simple coup d’œil elle se rendit compte qu’un insecte avait piqué la jambe de l’elfette. D’une voix douce, en embrassant avec tendresse son front après avoir séché ses larmes, elle fit allonger Míryen dans l’herbe. Voyant que Gwaërnon était très inquiet pour sa sœur, elle l’invita à l’aider en gardant la jambe de Míryen légèrement soulevée, en la posant sur ses genoux. En observant de plus près le gonflement et la rougeur de la peau à l’endroit de la piqûre, Maëlianel s’aperçut que le dard de l’abeille était toujours là. Heureusement il fut assez aisé pour l’Elfe de l’enlever car l’insecte n’avait pas eu le temps de l’enfoncer dans sa totalité dans la chair tendre de sa fille.

Elle s’éloigna quelques instants des enfants en confiant Míryen à Gwaërnon, pour revenir avec un linge propre, un seau d’eau fraîche puisée dans le puits et un petit pot d’onguent. D’abord, en se servant du linge imbibé d’eau, elle rafraîchit la jambe endolorie de sa fille. Ensuite, elle prépara une sorte de cataplasme avec l’onguent afin de désinfecter et soigner la blessure. Enfin, elle prit Míryen dans ses bras pour l’amener à la maison afin de l’allonger sur son lit, Gwaërnon, très inquiet, trottinant à côté d’elles, tenant la petite main de sa sœur serrée dans la sienne.

Malgré le retour rapide de Cinna, la nounou des jumeaux, Maëlianel n’avait pas voulu quitter sa fille des yeux en veillant sur elle deux jours durant. Et c’est seulement après avoir été certaine que le poison de l’abeille n’avait pas provoqué d’allergie, qu’elle se décida à partir en direction de Bree.

Pendant ces deux longues journées elle avait hésité à envoyer Fanya, son aigle, pour prévenir Endryamir, mais elle avait fini par décider de ne pas l’affoler inutilement, étant consciente du fait, malgré tout, que cette blessure n’était pas si grave qu’elle aurait pu le penser au départ.

Lorsqu’elle arriva devant la Taverne, tout y était très silencieux et en regardant le ciel elle se rendit compte d’après ses couleurs que l’aube pointait déjà. Elle décida donc de se rendre à la Halle pour se reposer un peu avant de reprendre la route pour la Comté.

En arrivant dans le jardin de la Halle du Dragon Éteint elle fut étonnée du silence qu'il y régnait. Les couleurs de l’aube avaient pourtant coloré le ciel, mais les oiseaux se turent à son arrivée. Elle hésita quelques instants avant d’entrer sentant que quelque chose n’allait pas. Puis, d’un pas décidé et léger, elle arriva jusqu’à la porte qu’elle ouvrit sans difficultés.

Elle se dirigea de suite vers le panneau d’affichage et reconnut immédiatement l’écriture fine et ronde de son beau-frère. Nul besoin de lire le feuillet. Elle avait compris. L’heure du Départ était proche.

Elle ferma légèrement les yeux. Lorsqu’elle les ouvrit à nouveau, elle savait qu’ils étaient devenus d’un gris d’acier.

Elle sortit dans le jardin. Une brise d’air frais caressa son visage et les oiseaux commencèrent à nouveau à chanter.

Elle caressa longuement Hwesta, puis elle grimpa rapidement sur son dos en lui soufflant à l’oreille :

- A lelya ! Endryamir attula ! **

Hwesta partit au galop. Les yeux de Maëlianel étaient devenus d’un vert éclatant et le sourire illuminait à nouveau son visage.


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*Ammî = maman [Adûnaic]
** A lelya ! Endryamir attula ! = Va ! Endryamir va arriver (arrive) ! [Quenya]

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#2 07-09-2012 15:02:22

Maëlianel
Echevin

Re : Na Estel...

Pendant toute la durée du trajet, Maëlianel n’avait de cesse de penser à toutes les choses qu’elle avait envie de dire à Endryamir avant son Départ.

Cela faisait bientôt un an qu’il était revenu à la maison, mais Maëlianel s’était très rapidement rendue compte qu’autant il était heureux de vivre avec elle et les enfants et de partager chaque minute de son temps avec eux, autant il était très inquiet pour leur futur. Elle avait toujours su lire dans les yeux de celles et ceux qui lui en laissaient la possibilité et le regard de son époux jamais ne lui avait menti.

Lors des balades en forêt, lors des pique-niques au bord de l’eau, lors de la découverte de la nature avec les enfants en leur enseignant à grimper aux arbres, à reconnaître les plantes et les animaux, lors des visites à la ferme de la voisine avec les poules qui faisaient tant rire les jumeaux –autant que la voisine d’ailleurs !-… ses yeux pétillaient de bonheur et ils étaient d’un vert émeraude. Son regard pourtant se voilait lorsqu’ils restaient l’un dans les bras de l’autre à veiller sur le sommeil de leurs enfants.

Il se sentait de plus en plus impuissant face à l’avancée de l’Ombre. Les êtres auxquels il tenait le plus au monde étaient menacés chaque jour. Comment rester là, sans rien faire ? C’était impossible. C’était au-dessus de ses forces.

Pendant tous ces mois passés aux côtés de Maëlianel, jamais Endryamir n’avait annoncé son souhait de suivre à nouveau la Compagnie Grise pour se diriger vers le sud, là où l’Ombre se faisait encore plus présente. Il se limitait à lui communiquer des informations sur leurs avancées, informations que parfois il souhaitait que Maëlianel communique à la Dame Blanche. Cependant, leurs cœurs ne faisant plus qu’un depuis leur premier regard échangé il y a quelques années déjà, nul besoin de mots entre eux. L’Elfe savait que ce moment tant repoussé était proche. Très proche.

Après une brève halte toujours près du Pont du Brandevin, la cavalière et sa monture, entourées d’un halo blanc et lumineux formé par les lucioles qui avaient fait le parcours avec elles, repartirent au galop en direction de Grand’Cave.

Maëlianel arriva à Puidebois en fin de matinée du lendemain de son départ de Bree. Dès son arrivée à la maison, elle chercha la monture de son époux du regard. Inutilement. Elle comprit rapidement qu’il était déjà parti.

Perdue dans ses pensées, l’Elfe descendit agilement mais lentement du dos de Hwesta qui se dirigea rapidement vers le bord de l’eau après avoir accueilli d’un hennissement les enfants qui arrivaient en courant vers leur mère en criant :

- Ammî ! Ataryo ! *

En entendant prononcer le mot « ataryo », Maëlianel chercha instinctivement Endryamir du regard. Elle espérait le voir surgir de la porte de la maison à tout instant.

Les enfants criaient joyeux leurs mains tendues afin que leur mère les prenne dans ses bras. L’Elfe s’assit sur l’herbe, comme elle faisait très souvent, pour serrer les jumeaux tout contre elle, puis elle les câlinait et les chatouillait avec douceur tout en vérifiant, sans trop le montrer, l’état de la jambe de Míryen. Elle était impatiente de les écouter, mais son regard allait souvent vers la porte de la maison.

C’est Gwaërnon qui donna la réponse à la question qu’elle n’avait osé poser :

- Ataryo est parti, ammî.

Il avait affiché un air sérieux en prononçant ces paroles.

- Il a laissé ceci pour toi, ammî.

Cette fois-ci c’était Míryen qui s’adressait à Maëlianel ; son visage également était devenu sérieux. L’elfette tendit un parchemin à sa mère. Avant de le prendre, le visage de Maëlianel s’éclaira d’un sourire pour rassurer ses enfants, ses lèvres se posant tour à tour sur les joues de l’un puis de l’autre pour les embrasser. Ensuite, elle déroula le parchemin et le lit en silence, la couleur de ses yeux passant du vert au gris et inversement au fur et à mesure que sa lecture avançait.

Lorsqu’elle releva enfin son regard vers ses enfants, ses yeux étaient à nouveau verts, et, d’une voix et calme, elle lit la lettre à ses enfants.

- Votre père vous aime plus que tout… Vous êtes présents dans chacune de ses pensées… Il est obligé de partir pour vous protéger… pour nous protéger… mais il est toujours avec nous… Fermez les yeux et posez votre main sur ce pendentif que vous portez à votre cou et qui touche votre cœur…

Les jumeaux fermèrent les yeux en posant leur petite main sur leur pendentif. Maëlianel, souriante et émue, en fit de même avec le sien.

- À chaque fois que vous penserez à ataryo, fermez les yeux et serrez votre pendentif dans votre main, tout contre votre cœur… et vous le sentirez encore plus près de vous… Ce pendentif en forme de goutte renferme de l’eau : l’eau du Nenuial et de la Nimrodel… Un jour nous irons tous les quatre ensemble parcourir les terres de vos ancêtres… de nos ancêtres…

Maëlianel ouvrit les yeux et regarda avec tendresse ses enfants avant de murmurer d’une voix douce et émue :

- Je vous aime… Nous vous aimons…


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*Ataryo = papa [Quenya]

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